mercredi 18 septembre 2013

L'Hotel de Police

Ami lecteur,

Un silence aussi long mérite bien quelques explications et si je t’ai manqué, saches que toi aussi. Mais vois-tu, j’avais autre chose à foutre que de m’occuper à narrer les aventures extraordinaires d’un jeune homme moderne.
Je vais essayer de récupérer le temps perdu et te dire pourquoi je suis devenu inlisible (si, comme je le pense, tu es malin, tu auras compris le néologisme). 

Tout d’abord, depuis quelques semaines et pour longtemps, je noircis du papier pour d’autres que toi, mais je ne t’abandonnerai pas. On se verra moins souvent, voilà tout.

Et puis, il faut que je t'avoue avoir pris quelques vacances offertes par les forces de l’ordre dans un charmant hôtel de police. Ce n'est pas mon premier séjour, et peut-être pas mon dernier.


Après une soirée surréaliste dans la cave d’un troquet miteux de l’est parisien, j’ai rejoint la rue en compagnie de quelques camarades keupons. Bières et gros vin à la main, nous avancions au rythme des goulées. Autant dire que nous ne bougions pas beaucoup du trottoir qui nous avait adopté. C’est là que l’idée formidable de marquer cet instant m’est venue. Armé d’une bombe de peinture, je suis allé garnir un mur d’une de ces punchlines poétiques dont le génie ne se dessine que sous les traits grossiers de l’alcool. Un vulgaire «Bibine Suicide» coulait alors en peinture noire sur la façade d’un poste de la RATP. Face à mon oeuvre dégoulinante, je restais sourd au danger qui s’approchait. Soudain, trois keufs me sont tombés dessus et m'ont plaqué à terre. Alors qu'ils me maintenaient collé au bitume, non loin de là mes potes commencèrent à les insulter copieusement.

La confusion s’est vite installée et sous la pluie de canettes qui s’étaient mises à voler, les flics ont décidé de m’isoler dans la station de métro toute proche. Ecrasé face contre mur, menotté dans le dos et le froc aux chevilles pour m'empêcher de filer, je n’avais pas vraiment idée de se qui se tramait dehors. Seuls le vacarme et les cris me laissaient deviner que clairement, les flics n’avaient pas le dessus. Ce n’est qu’au moment où deux schmidts sont rentrés dans la station en trainant comme un sac mon vieux compagnon d’arme (que nous appellerons la Chmer) que je me suis dit que ça tournait trash. Mon pote, qu’un des deux flics retenait au sol par un tonfa dans le plexus, se mangeait de méchantes droites dans la gueule par l’autre schtroumpf. Une bonne demi-heure se passe avant que les renforts policiers n'arrivent et que nous soyons évacués.

Dans le fourgon, la Chmer essayait de me parler, je comprenais vaguement qu'il se foutait de la tronche de nos accompagnateurs, mais à cause de ses dents de devant pétées, ne sortaient de sa bouche que des bulles de sang. Après la visite médicale d’usage et malgré l’état de mon pote, nous avons été conduit au comico du 10ème (grand luxe). Sur la gardav’, pas grand chose à dire sauf que j’étais seul avec un monsieur-madame qui, le cul à l’air, laissait déborder de son string rose un peu de merde. Il s’était chier dessus, ça empestait. 

Au matin, l’OPJ a procédé à mon interrogatoire. Là non plus, pas grand chose à dire. Ah, si ! A la fin de mon interview de star, l’officier m'a sorti la bombe de peinture que j’avais utilisée et m'a dit : «Ça, ça va aux chiottes !» puis l'a jeté dans sa poubelle. J’ai alors profité qu’il aille chercher ma déposition pour récupérer l'arme du crime et la glisser dans mon blouson. Une fois dehors, je me suis calé dans un bar non loin du commissariat en attendant la sortie de la Chmer. Une heure s'est passée avant qu'il ne voit le jour. Après quelques calvas et quelques tags bien sentis, nous sommes rentrés dormir de juste droit.

Quelques jours plus tard, j’étais à nouveau convoqué par l’OPJ. Il voulait mon témoignage (quelle blague !). Quand je lui dis que je n'avais rien à déclarer et que je ne comprenais pas pourquoi il m'avait fait déplacer, il me balança en fronçant les sourcils que mes potes avaient envoyé un de ses collègues à l'hôpital. Alors je me suis dit: "Un partout, balle au centre."

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