jeudi 15 août 2013

Cocaína y Jineteras en La Habana

Texte Inégral


Autant prévenir, cet article risque de déplaire aux moralistes du voyage et autres bienpensants de la route. Je ne parlerai pas ici des différents lieux touristiques tout à fait dignes d’intérêt, le Guide du Routard le fait très bien.

Voilà longtemps que je souhaitais me rendre à Cuba. Mes rêves étaient alors alimentés par les livres de photos, les récits de voyageurs et, comme beaucoup à mon âge, par le film de Wim Wenders, Buena Vista Social Club.L’opportunité se présenta lors d’un séjour de longue durée au bord du golfe du Mexique, dans le Yucatán. Depuis Cancun, La Havane n’est qu’à 1h20 de vol et le billet aller-retour ne dépasse pas les 270$. Je saisis donc l’occasion de m’envoler pour ce territoire fantasmé mais inconnu.




La première chose qui me frappa à mon arrivée à La Havane, ce n’est pas la file d’attente interminable pour le contrôle douanier, mais bien que les douaniers étaient toutes des douanières ultra-canons et apprêtées. Ce qui laissait présager tout un monde de sensualité.

Une fois les formalités aéroportuaires terminées, je filai en taxi sur la calle Neptuno rejoindre ma «casa particular», genre de maison d’hôte autorisée par l’Etat. Je ne pris pas le temps de déballer mes affaires et fonçai humer les nuits chaudes de La Havane. Après un frugal repas dans un petit restaurant lui aussi autorisé par l’Etat, en bon touriste, je me rendis directement sur le Malecón, cette grande digue symbole de la ville. 


A peine arrivé, je fus accosté par deux jeunes filles d’une beauté rayonnante. N’étant pas né de la dernière goutte de rhum, je me doutai de leurs intentions et poursuivis mon chemin. Car il faut savoir quelque chose : la prostitution est interdite à Cuba et sévèrement punie. Ainsi, à l’instar des marcheuses de Belleville, ces putes chinoises qui arpentent le boulevard pour ne pas être arrêter pour racolage, La Havane a ses marcheuses du Malecón. Mais celle-ci vous proposeront de vous «accompagner» et tant que vous ne serez pas dans l’intimité d’une chambre, n’accepteront généralement qu’un verre à boire ou, au mieux, des cadeaux. C’est pour cela qu’elles sont connues sous le nom de «jineteras» autrement dit : des «cavalières».Fatigué par le trajet, je décidai de rentrer sagement me coucher.


Je m’étais bien préparé pour ce voyage et avais pris soin de me renseigner sur les coutumes locales. Ainsi, tout comme j’étais au parfum des habitudes en matière de prostitution, je connaissais à peu près les règles concernant les stupéfiants. A en croire tout ce que j’ai pu lire ou entendre sur Cuba, il est très difficile voire impossible de trouver de la drogue sur l’île. Et même si par miracle vous veniez à trouver votre bonheur, vous vous exposeriez à tous les dangers, principalement la police (qui ferait passer le pire de nos flicaillons pour un petit chaton tout frais pondu) et aux gangs. Autant dire que je partais avec l’idée qu’une telle quête était peine perdue. Munis de ces précautions, je ne m’attendais ni à me frotter à la police locale, ni à quelconques gangs cubains. Si j’allais tôt faire connaissance de la première, ma rencontre avec les seconds fut plus surprenante.


Comme dans beaucoup d’états communistes, lorsque vous êtes employé de l’administration, vous êtes souvent payés à surveiller vos collègues qui eux-même vous surveillent. Dans l’idéal, ce système est sensé réduire la corruption par peur de la délation. Dans la réalité, ça se passe tout autrement. 


Un soir que, bien allumé, je m’en revenais de la vieille ville où j’avais fait le tour de quelques bars miteux en compagnie de cubains et d’un vieux québécois à qui j’avais manqué de casser la gueule après qu’il m’ait présenté sa jinetera de 15 ans, je me suis perdu dans La Havane. Mal aidé par le sens de l’orientation naturel du mec bourré, j’atterris dans je ne sais quel quartier désoeuvré de l’Ouest de la ville. Epuisé par mes excès, je décidai de demander mon chemin à une patrouille de police postée non loin de moi (on en trouve partout et à toute heure). Les deux jeunes policiers proposèrent gentiment de me ramener. Je montai donc avec eux dans l’espoir de retrouver rapidement mon lit. 


Après 15min de trajet, la voiture de police s’arrêta au milieu de nulle part. Les jeunes flics me firent descendre et me demandèrent de leur donner 20$ si je souhaitais vraiment rentrer. Je fouillai mes poches et ne trouvai qu’un pauvre billet de 5$. Après leur avoir longuement expliqué que je n’avais que ça, il me laissèrent repartir seul en m’indiquant vaguement ma direction. Ce n’est que 2h plus tard que je pu enfin m'effondrer dans mes draps sans vraiment penser à ce qui venait de se passer.


Fier de mon succès avec le rhum cubain, je me retrouvais quelques jours plus tard attablé en terrasse de l'hôtel Inglaterra à siroter des «ron con cola». Un groupe de salsa rythmait l’ambiance et une légère brise bienvenue rafraîchissait l’atmosphère. Bref, j’étais au top ! La serveuse avait réussi à se caler sur ma fréquence de descente si bien que les verres s’enchaînaient sans que j’arrive à les compter. L’alcool commençait à me chauffer le sang lorsqu’une formidable créature tout droit sortie de l’enfer des «peñas» (fêtes improvisées fréquentes à Cuba) vint s’assoir à ma table. Elle entama la conversation d’un naturel déconcertant. On aurait pu croire que nous nous connaissions depuis des semaines. Elle me demanda ce que je faisais là, tout seul. 
"- Je suis venu danser avec le feu sur les cendres de ma raison.
- Ça veut dire quoi ?
- Que je t’attendais, Lisa.
- Comment connais-tu mon prénom ?
- Tu le portes autour de ton cou.
- C’est le collier de ma mère mais nous nous appelons pareil."


D’après ce qu’elle me dit, Lisa avait 23 ans. Son assurance et ses formes ne me permirent pas d’en douter. 
Il n’y a pas de «type cubain» et une multitude de termes sont utilisés comme autant de nuances pour décrire une personne. Je ne sais pas qu’elle expression emploierait un cubain pour la décrire, mais Lisa avait la peau cuivrée, de long cheveux noirs et lisses assortis au charbon de ses yeux, une bouche pulpeuse qui laissait apparaitre des dents d’un blanc éclatant, et un petit nez fin et retroussé. Sa robe moulante noire ne laissait que peu de place à l’imagination et on pouvait facilement deviner ses longues jambes servies par un cul ferme et rebondi. Un petit ventre potelé se dessinait en dessous d’une poitrine généreuse. Elle était une véritable invitation à la luxure !


Après que nous ayons partagé quelques verres, Lisa me proposa de la suivre dans une soirée non loin de là. Confiant, je la suivis jusqu’à un petit bâtiment préfabriqué où, entassés, des jeunes cubains bougeaient frénétiquement au son du reggaeton. Là, nous continuâmes de nous imbiber (mon Dieu ! Ce que cette fille tenait l’alcool) et de discuter. Je lui posais des questions sur le mode de vie des cubains. Sans rentrer dans les détails, elle m’expliqua qu’elle était leur misère quotidienne, le rationnement, la surveillance permanente, la débrouille pour tout. J’en vins à lui demander ce qu’il en était de la drogue. Après avoir confirmé tout ce que j’avais pu lire, elle me dit que si je le souhaitais, elle pouvait me trouver de la cocaïne. Pris par les flammes et curieux de tout, j’acceptai la proposition et nous nous dirigeâmes vers les quartiers Nord de la vieille ville.


Lisa me demanda de la suivre à bonne distance afin de ne pas éveiller les soupçons de la police. Notre premier arrêt se fit dans une ruelle sombre, Lisa me pria d’attendre dans une porte cochère pour échapper aux caméras de surveillance dont La Havane est truffée. Elle s’absenta quelques instants puis revint avec un petit mec trapu qui arborait un lézard tatoué dans le cou. Tous les deux me conduisirent dans une autre rue où le même scénario se répéta. Je devais attendre pendant qu’ils était dans une petite baraque de taule. C’est à quatre que nous reprîmes la route, notre nouveau compagnon avait lui aussi un lézard dans le cou. Enfin, je fus invité à rentrer dans une maison. C’était le genre d’endroit que le gouvernement castriste essaye de cacher aux touristes en balisant les parcours car c’est là que vivent les cubains, loin du faste des hôtels et des palaces.


Dans la pièce principale, une grosse dame que j’identifiais comme la mère de famille regardait des variétés pourries à la télévision. A côté d’elle, sur un canapé, un travelo d’une vingtaine d’année feuilletait un magazine et regardait régulièrement son téléphone. On m’invita à passer dans la cour intérieure où étaient élevés en liberté un cochon et des poulets. Un espace dédié à la cuisine et un autre aux sanitaires étaient logés dans les angles de la cour. Un des mecs me tendit un sachet où se trouvait la came. Il me dit que je pouvais la gouter, ce que je fis. Sans être exceptionnelle, elle semblait faire son affaire. Quoiqu’il en soit, à 30$ le gramme, je ne perdais pas grand chose et eux faisaient leur mois. J’enfonçai le sachet dans ma poche et quittai la maison en compagnie de Lisa. 


Une fois dehors, Lisa me demanda ce que je voulais faire. Ne souhaitant pas me trimbaler par les rues avec la dope, je lui dis que je voulais rentrer à ma chambre et pour ne pas paraître goujat, je l’invitai. Elle hésita un court instant et m’expliqua que les cubaines n’étaient pas autorisées à suivre les touristes à moins de donner sa carte d’identité au responsable de la casa particular. Alors je lui proposai de la devancer, de rentrer dans mon immeuble en bloquant la porte du bas puis, une fois dans ma chambre, je pourrais lui faire signe depuis le balcon si la voie était libre. Elle hésita encore puis accepta.

Le plan se déroula comme prévu et une fois dans l’intimité de ma chambre, nous fûmes tout à fait détendus. J’avais dans mon frigo quelques bières et une demi-bouteille de rhum, de quoi nous amuser pour la fin de la soirée. Après deux ou trois verres et quelques traces de coke, la chaleur se fit écrasante. Lisa enleva sa robe. Jouant avec les ombres, l’éclairage tamisé de la pièce offrait à sa peau des reflets dorés, elle n’en était que plus désirable. Je me débarrassai de mes vêtements et, chacun allongés sur un des deux lits de la chambre, nous nous laissions bercer par la musique de Chet Baker que diffusaient tant bien que mal mes minuscules enceintes portatives. 


Nous n’échangions que peu de mots, la plupart du temps pour saluer cet instant de grâce. Soudain, Lisa vint s’étendre près de moi. Lentement, je caressais son corps d’une douceur sans égale. Ma main remontait le long de son dos au rythme des accords puis venait effleurer son visage et ses seins. Je la couvrais de légers baisers qui la faisaient frissonner. Avec une aisance toute féline, elle glissa jusqu’à mon entre-jambes et me prit à pleine gorge. Elle me suça délicatement, faisant glisser le satin de ses lèvres le long de ma verge. Puis ce fut à moi de l’honorer de ma langue allant parfois visiter son intérieur avec mes doigts. Au terme de ces jeux, je vins sur elle et la pénétrai paisiblement, ses yeux se fermèrent, des petits bruits sourds s’échappaient de sa bouche entrouverte. Après cet instant, je me retirai tranquillement. Là, elle me chevaucha et, par coups de reins réguliers, donna une nouvelle cadence à notre étreinte. Tout à coup, Lisa se braqua, son vagin se contracta et dans un ultime râle, je la sentis venir. En sueur, le souffle court, nous restâmes l’un à côté de l’autre sans mot dire. Et nous nous endormîmes ainsi, dans la moiteur des draps.


Le lendemain, l’animation qui régnait dans la rue me tira de mon sommeil. J’ouvris les yeux dans les vapeurs embrumées des lendemains de fête. Lisa n’était plus là, elle avait dû quitter les lieux de bonheur pour tromper la vigilance des maîtres de maison. Un sentiment étrange, mêlé de culpabilité et de satisfaction, m’envahit. Je venais de passer une nuit formidable dans les bras d’une fille sublime mais n’avais-je pas succombé à la tentation de l’amour facile ? Je me levai, me douchai puis alla prendre mon petit déjeuner. A table, aucune réflexion particulière ne me fut faite. Lorsque je recouvrai mes esprits, je vérifiai que rien ne manquait dans mes affaires. Après avoir fouillé ma valise, examiné mon portefeuille, je pu constater que tout était bien à sa place. Soulagé, je senti mon coeur s'apaiser. Je n’avais succombé à aucune tentation autre que celle de la chair, Lisa ne fut pas une simple jinetera.


Je n’avais plus que quelques heures avant le décollage mon avion. Je bouclai mes bagages, jetai le peu de coke qu’il me restait dans les toilettes afin de ne pas avoir de problèmes avant mon départ et pris la direction de l’aéroport. Je quittai La Havane et Cuba en ayant peut-être brûlé un peu de mon âme mais avec des sensations et des images qui m’habiteront longtemps. Si de leur île-prison, Lisa et ses amis pouvaient me lire, je les en remercierais à jamais.

Pour complèter le tableau d’un cuba qui ne figure pas dans les guides, on pourra lire Trilogie sale de La Havane de Pedro Juan Gutiérrez







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