mercredi 21 août 2013

LEVER LE COUDE SANS LEVER LE PIED #1

Si on me reconnaîtra un talent, c’est bien celui de savoir lever le coude. Depuis des années, j’arpente les troquets, brasseries, clubs, cafés-concerts, cafés-théâtres... que sais-je encore. J’inaugure ici, sous le titre général «Lever le coude sans lever le pied», une série de textes dédiés aux différents débits de boissons que j’ai pu fréquenter et qui ont retenu mon attention. Naturellement, mes critères sont d’une subjectivité totale. Alors, à la votre !

Le Balto


Pour commencer modestement, quoi de mieux que de choisir un boui-boui qui ne paye pas de mine ? 
«Le Balto», comme «la Civette» ou encore «le Commerce», est certainement un des noms de bar-tabacs les plus courants. Mais tous ne se valent pas et celui dont je vais parler vaut le détour. 
Logé à la fin de la rue du Faubourg Saint Antoine, non loin de la place d’Aligre, Le Balto du 11ème arrondissement de Paris est un endroit où il fait bon se poser quelques instants.


Un soir que je squattais un banc du quartier Aligre en compagnie de quelques camarades à siroter des bières d’épicerie vendues chèrement par un des commerçants de la place, le manque cruel de cigarettes s’est fait sentir. Vu l’heure avancée de la nuit, aucun dealer de clopes n’avait l’air de nous avoir attendu avant de fermer boutique. Nous avons donc, un ami et moi, pris la direction des quartiers animés afin d’assouvir notre besoin de nicotine. En sortant de la rue de Cotte, le seul endroit ouvert et qui semblait capable de nous satisfaire était un ridicule bastringue à la petite devanture défraie. Ni une ni deux, on a foncé jusqu’à ce minuscule bar-tabac où nous attendait plus que nous ne cherchions.

Passé l’entrée, on sent tout de suite une ambiance particulière. La tronche des piliers de comptoir ne trompe pas, on n’est pas dans un troquet comme les autres. Dès l’approche au guichet où sont vendues les clopes, vous êtes accueillis par un gros chat gris qui se balade sous votre nez et circule librement au milieu des verres sans que personne ne relève vraiment. L’autocollant GRD et les photos de l’équipe de Groland avec la maîtresse de maison garantissent qu’ici, il doit s’en passer. La patronne, une grosse bonne femme à la mine joufflue, vous parle à l’ancienne avec cette gouaille toute parisienne. 

Saisie par l’atmosphère. Nous avons décidé de marquer une petite pause apéro. A peine installés au comptoir face à des étagères où trônent des nains de jardin, on nous apostrophe (timides s’abstenir) et nous invite à partager des canons. Tout le zinc participe aux conversations sans queue ni tête où personne ne se prend au sérieux et tout le monde se fout de la gueule de tout le monde. D’ailleurs la patronne et ses fils ne sont pas en reste. On se croirait dans le seul bar d’une ville désertée des régions Nord où, bloqués par la tempête, quelques irréductibles ont trouvé refuge.

Après quelques petits jaunes, petits blanc, et petites blondes (je parle de cigarettes parce que oui, au Balto, on peut fumer à l’intérieur mais on y va pas pour pécho), nous avons perdu toute notion du temps et un peu oublié les camarades que nous avions laissé derrière nous. Lorsqu’ils nous ont téléphoné pour se rappeler à notre souvenir, notre enthousiasme devait être tel qu’ils nous ont rejoint sur le champs. Une soirée de blagues grasses, de franches rigolades et de conneries en tout genre commençait. Les godets se renversaient, le saucisson volait, le chat s'en foutait. Couvrant presque les éclats de voix, un vieux ghettoblaster sorti tout droit du Bronx crachait un son digne des meilleures compilations de Dance des années 90’. Les discutions autour du tuning allaient bon train. Les fils de la patronne, comme venant d’un film de Dany Boon, nous filaient des trucs de système D : pour fabriquer des glaçons, siphonner des voitures, construire une sono... 

J’imagine que pour le lecteur néophyte, le charme désuet et l’ambiance de bal de campagne de ce bar n’a rien de très attirant et j’ai bien conscience que certains blasés se diront «Bah quoi, c’est un troquet !», mais je peux dire que des rades, j’en ai fait un paquet et le Balto mérite vraiment qu’on s’y attarde (un peu) et qu'on prenne le temps de discuter avec les habitués. Si j’ai déjà passé des moments de ce genre dans quelques bars de la province française, je dois dire que la soirée dans cet ilot parisien ma laissé un souvenir formidable. A bon buveur, salut !


Si ce lieu existe encore:
Le Balto
147 rue Faubourg Saint-Antoine 
75011 Paris

3 commentaires:

  1. Je m'apelle Mahias et j'approuve ce texte (comme dirait l'autre)

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    1. Merci mec ! Un des prochains textes sera sur un bar où j'allais souvent à Shinjuku ;)

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  2. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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