lundi 26 août 2013

Crève, Hippie, crève !

Qu’il fait bon, l’été à Paris, de flâner dans les rues désertes, déambuler sans entrave au gré de nos envies et surtout, se poser en fin de journée à la terrasse d’un bistrot débarrassé de l’habituelle foule des heures apéritives. Ah oui, que c’est bon ! 

Je suis comme tout le monde, j’adore ces moments faits de calme, de volupté et d'insouciance qui nous font oublier que d’autres se prélassent dans des décors plus exotiques. C’est ainsi que muni de mon livre du moment et de mon baladeur, le coeur léger, je suis allé m’installer à la terrasse de mon bar habituel qui, comme les autres, peinait à voir le client arriver. Plongé dans ma lecture, les écouteurs vissés sur mes oreilles, je sirotais tranquillement ma pinte de bière sans me préoccuper du peu de monde qui m’entourait. Dans de telles conditions, comment aurais-je pu voir venir le danger qui me guettait ?



Tout semblait suspendu, comme si le temps s’était arrêter pour me dire : «vas-y, profite !». Une légère brise rendait supportable l’atmosphère pourtant suffocante de cette période de l’année. J’étais au top !

Une heure s’est envolée ainsi sans que je ne m’en rende compte, tout enivré que j’étais par le doux parfum estival . C’est à ce moment qu’un couple de hippies "chics" accompagné de sa progéniture, vêtu de sarouels bariolés, toutes dreadlocks dehors, est venu occuper la table jouxtant la mienne.  Comme je l’ai déjà dit, la terrasse était vide et comptait une bonne quinzaine de tables libres, mais sans doute ont-ils été guidés vers moi par un besoin tribal de se rapprocher des hommes. 

Ma consommation de bière et de cigarettes allait bon train et rien n’aurait pu perturber ma quiétude. Rien ? Enfin presque. A peine arrivé, le marmot du couple  d’indiens voisin s’est mis à vouloir réorganiser les tables du bar à sa façon dans un fracas qui me sortit de ma lecture. Ignorant les demandes polies du serveur pour que l’enfant cesse, les hippies, fiers de leur éducation basée sur le tout permissif, laissaient la petite teigne nuire à la tranquillité de son entourage. Ne pouvant continuer à me concentrer sur mon roman dans ces conditions, je me suis résolu à me contenter de la musique que j’ai pris soin de monter pour couvrir le bruit des chaises sur le bitume.

Mais mon calvaire ne faisait que commencer. Une fois le gosse calmé, ce sont ses parents qui ont décidé de me pourrir l’existence et de m’imposer leur loi. Les lois hippies sont bien particulières et se basent souvent sur ce qui leur semble être un ordre de la nature (et non pas un ordre naturel) ainsi ils se concentrent sur leur environnement, le plus souvent immédiat, et tentent de vivre en harmonie avec lui. Malgré ma proximité, je ne paraissais pas faire partie de cet environnement immédiat puisqu'ils refusaient manifestement de vivre en harmonie avec moi. 

Ainsi, alors que j’allumais ma «x»ème cigarette, madame hippie a commencé à toussoter et plus je fumais, plus elle insistait. Je me doutais bien qu’elle tentait de me faire comprendre que ma fumé l’incommodait mais 1) J’étais là avant elle et elle pouvait se poser ailleurs 2) le langage est une invention magnifique qui permet au gens de communiquer entre eux. 
Voyant que je feignais de ne pas l’avoir remarqué, monsieur hippie m’a tapoté le bras pour me dire ceci : «tu pourrais faire attention avec la fumé de ta clope, on prend tout dans la gueule». Après lui avoir rappelé que je n’étais pas son pote et qu’il est d’usage entre inconnus de se vouvoyer, j’ai remis mes écouteurs et consenti à un effort en me décalant un peu. 
A peine avais-je lancé la musique qu’une nouvelle fois, le couple m’interrompit. Et là, c’est madame qui me demanda, sans sourire et sans courtoisie, de baisser un peu le son parce que Slayer, c’est pas trop leur truc (j’avais pris soin de choisir la musique qui exprimerait le mieux mon aversion). Je sentais mon sang bouillir, c’en était trop.

J'hésitais un instant entre les deux options qui m'étaient offertes: soit entamer une guerre de territoire, tout légitime que j'étais d'occuper comme je l’entendais le mètre carré de terrasse que j'avais choisi, soit battre en retraite (et peut-être perdre la face) devant deux illuminés qui, parce qu’ils ont choisi de vivre comme des clochards de luxe une vie qu’ils pensent «alternative» , se croient obligés de faire la morale au premier venu. 

Les images ont défilé dans ma tête. Je me voyais attraper la tête du type par ses cheveux crasseux, la fracasser contre la table puis couper les dreads de sa meuf et lui enfoncer dans la gorge en lui disant «Allez, tousse maintenant !». Quant au gamin, je ne sais pas... peut-être l’attacher à sa trottinette à 4 roues et lui faire dévaler la rue en espérant qu’une voiture ait la bonne idée d’arriver en face.

En fait, j’ai choisi la seconde solution. Mais avant de quitter les lieux, j’ai demandé au serveur un bout de papier et un stylo afin de griffonner une petite note à l’attention de mes voisins de table. Elle disait en substance ceci :

« Chers amis, merci ! Il est toujours agréable d’être conforté dans une idée et celle qu'en aucun cas je ne veux vous ressembler n’a jamais été aussi forte. J’ai toujours pensé que les naïfs comme vous étaient le poison des cyniques comme moi. Mais je n’ai pas vu assez large. Pour tous et en tout, vous êtes inutiles au Monde.» 

Je me suis levé pour rejoindre le comptoir. Après avoir commandé une tournée de laits fraises pour les hippies et réglé l’addition, j’ai glissé mon message sur le plateau du serveur. En m’éloignant du bar, je ne pouvais m’empêcher de penser : «aujourd’hui, un couple de hippies a failli mourir et il ne le saura jamais.» 


(Nous retrouverons nos amis hippies dans d'autres aventures passionnantes !)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire